Nous partageons des lectures autour d’un thème
Les textes sont issus d’un livre, d’un article ou d’une production personnelle, sous forme de prose ou poème en vers
Chacun (chacune) peut lire ou bien le faire lire par une autre personne.
Chaque lecture est suivie d’un échange des ressentis des participants. Il ne s’agit pas de commenter, de débattre ou de juger le texte mais plutôt d’évoquer ce que cela éveille en nous (souvenirs, émotions…).
Le voyage est intérieur et le parcours est partagé.
Les textes doivent être relativement courts (10 minutes de lecture au grand maximum) pour que chacun puisse participer. Cependant, il n’y a pas d’obligation, on peut juste être là pour écouter et partager ses ressentis.
Lire, échanger, s'évader, renforcer les liens
« La lecture épanouit l’homme, les discussions l’enrichissent. »
Francis Bacon (philosophe)
Ouvert à tous.
Participation aux frais : à partir de 3 € / adhérent – à partir de 6 € / non adhérent.
Atelier conte 3 février 2024
Enoncé : Till est un petit garçon turbulent et taquin toujours prompte à agacer ou bousculer les autres à l’école..
Atelier conte du 3 février 2024
« Suis-moi » lui dit la maîtresse. Elle l’entraîne dans un coin de la classe qui est vide le temps de la récréation. Elle sort un livre de la bibliothèque. Un livre que Till n’avait jamais remarqué.
Elle commence à lire à haute voix :
« Il était une fois un petit garçon qui s’appelait Toa.
Il devait se lever tôt tous les jours de la semaine pour se rendre à pied à l’école. Il faisait le chemin seul, observant les animaux dans les prés, les clairières, traversant des fossés pour aller caresser un âne ou courir après une libellule.
Il arrivait parfois en retard à l’école et commençait sa journée en se faisant gronder par la maîtresse et moquer par ses camarades.
Il avait du mal à rester concentré sur les leçons car il pensait à ce qu’il pourrait faire en repartant de l’école, ramasser de beaux cailloux ou des champignons, apercevoir un renard.
Un soir en reprenant le chemin de sa maison Toa décide de s’enfoncer un peu plus loin dans le bois bordant le pré de l’âne. Il se sent bien dans ce calme, respirant l’odeur de mousse et de bois.
Soudain au pied d’un arbre il voit une petite lumière. Il s’approche doucement mais la lumière bouge et se précipite sous des feuilles humides.
S’approchant un peu plus il entend une petite voix murmurer « Ne m’écrase pas ». Il pense rêver, et se penche un peu plus là où a disparu la lumière.
Il entend à nouveau « Ne m’écrase pas ! ».
« Mais qui es-tu ? » demande t-il.
« Je suis une des fées de la forêt ».
« Ça n’existe pas les fées ! Mes parents disent que ça n’existe pas, comme les lutins, ou la fée des dents, ça n’existe pas ! » Il sent la colère monter en lui. La lumière ne répond pas.
À cet instant un bruit lourd derrière lui le fait se retourner.
Il se retrouve face à un animal qui ressemble à un cerf. Il en voit quand il accompagne son oncle à la chasse. Mais cet animal a une tête d’homme, surmontée de bois. Il n’avait jamais vu une bête pareille.
Toa se précipite derrière un arbre. La bête ne bouge pas mais lui demande d’une voix rauque, qui il est.
« Je suis Toa, »
« C’est toi l’enfant qui te promène tous les jours à l’orée du bois. J’ai entendu tes camarades se plaindre de tes bêtises ». Toa n’ose rien répondre.
C’est alors qu’un petit elfe qui était perché sur une branche lui saute dessus, lui vole son bonnet et lui arrache deux boutons de sa veste.
« Laisse-moi tranquille ! » lui crie Toa en chassant l’elfe.
« Comment te sens-tu ? » reprend la bête. « Que penses-tu de cet elfe ? »
« Laisse-moi! ».
« Que ressens-tu ? » répète la bête en faisant un pas vers Toa.
« Je sais pas. Il est méchant !»
« Peut-être, mais que ressens-tu ? »
« De la colère » répond l’enfant en baissant les yeux. « C’est pas juste ! Je n’lui ai rien fait !».
La bête attend que Toa se calme un peu et poursuit.
« Imagine-toi maintenant à l’école, dans la cour de récréation. Imagine que c’est toi le petit elfe. Que tu viens de bousculer un camarade de ta classe, et de lui voler son goûter.
Devines-tu ce qu’il ressent à cet instant? »
Toa ne sait pas quoi répondre. Il s’accroupit au pied de l’arbre tournant le dos à la bête.
Il aperçoit à nouveau la petite lumière sous une feuille. Elle se met à voleter autour de lui.
D’une voix douce, tout près de son oreille, elle lui dit « A l’école tous les enfants ont besoin de se sentir bien, comme toi, quand tu viens te promener le long des chemins ou dans ce bois.
Et ça gâche leur plaisir quand ils savent qu’ils vont se faire embêter par un autre enfant ».
Toa reste silencieux.
C’est alors qu’il se souvient qu’il doit rentrer chez lui avant la nuit. Il se relève, tête baissée.
La lumière-fée le suit jusqu’à l’orée du bois et lui chuchote une dernière phrase :
« Pense à nous demain, à l’école ».
Sur le chemin du retour, Toa se rappelle certaines de ses bêtises.
Il cogne rageusement du pied quelques cailloux rencontrés sur son passage.
Il se rend compte petit à petit de la colère que peuvent ressentir ses camarades.
Il est triste.
Triste pas pour lui cette fois, mais pour les autres enfants.
Cette nuit-là Toa s’endort avec l’envie d’essayer demain de moins chahuter en classe et pendant la récréation.
FIN
La sonnette de l’école retentit à l’instant même où la maîtresse referme le petit livre. C’est la fin de la récréation. Till n’aura pas eu le temps de jouer dehors mais il n’en est pas fâché. Il a eu un moment privilégié avec la maîtresse et surtout il a trouvé un ami qui s’appelle Toa.
Il aura encore du mal à suivre le cours de mathématiques qui suit, repensant à l’histoire de Toa.
Il regarde ses camarades dans la classe et les voit déjà un peu différemment.
Il n’ira pas les embêter aujourd’hui.
Marie-Christine
3 février 2024
Atelier lecture 12 octobre 2024
Thème : La première fois…
Atelier de lecture du 2 mars 2024
La situation était bien particulière, je devais me retrouver seule plusieurs nuits par semaine dans cette maison aux contours ouverts et inachevés. Et puis…pour ne rien vous cacher, j’en avais envie depuis longtemps…
Forte d’un accord marital presque arraché par chantage, je déambule ce jour-là à travers des chemins incertains, mal à l’aise au milieu de tous ces regards tristes et néanmoins plein d’espoir. Mon cœur est lourd mais vigilant. Je marche presque à pas feutrés.
Au détour d’une bâtisse soudain je t’ai vu… Je n’oublierai jamais cette première fois, ce premier regard, ce coup de foudre inattendu. Au moment où j’écris ces lignes, j’en ai encore les larmes aux yeux.
C’est comme si nous nous étions tant attendues et reconnues enfin. A l’instant même où je t’ai vu, j’ai su que c’était toi. Quel est donc cette force mystérieuse qui conduit nos pas vers LA rencontre ? Celle qui bouleverse notre vie, celle qui nous dit « c’est évident » ! Le destin peut-être ?
J’ai dû attendre une semaine entière avant de te revoir, la tête pleine de questions et de réponses immédiates. Ce n’est pas moi qui suis allée te chercher, je travaillais ce jour-là. Lorsque je suis rentrée, tu t’es mise à courir à travers le salon, à sauter par-dessus le canapé, et nous ne savions plus comment faire pour calmer ta joie d’être parmi nous.
Vénus, mon premier chien, treize ans de bonheur que nous avons partagé, et huit ans déjà que tu es partie rejoindre les étoiles où je sais que tu m’attends…
Jacqueline
Quand tout a commencé
Dit… comment ça s’est passé la première fois ? Qu’est-ce qui a fait que l’Univers est né ?
Les scientifiques ont décrit comment l’Univers s’est brusquement dilaté à partir d’un amas de matière très dense, il y a exactement 13,7 milliards d’années……
Wouahou… rien qu’en essayant d’imaginer ce que représente ce chiffre, ça donne le vertige, non ?
Mais bon… le ballon gonfle (entre nous, quand est-ce qu’il éclate ?) d’accord… Mais avant ? y’avait quoi ? Rien…Nada…Du vide ????
« C’est une question qui se heurte aux limites de nos connaissances » dit un astrophysicien, « Elle nous emmène clairement au-delà de la physique, même si différents modèles existent à l’heure actuelle. » ajoute-t-il. En gros, personne ne sait ! Ahhhhhhhhh…. Ça fait du bien quand les scientifiques avouent qu’ils ne savent pas… ils redeviennent brusquement beaucoup plus abordables !
La théorie quantique avance l’hypothèse qu’une fluctuation quantique du vide soit à l’origine de l’apparition de particules. Ainsi, dans l’électrodynamique quantique, l’énergie de l’Univers produit de la matière.
C’est drôle, je ne suis pas spécialement portée sur les religions mais ça me fait penser à : « Jésus prend le pain et les poissons, il lève les yeux vers le ciel, il prononce la bénédiction et il les rompt ! Et il y en a pour tout le monde … »
Pour répondre à cette grande question (qu’y avait-t-il avant ?), il faudrait à priori que l’astrophysique franchisse deux grands murs :
Le mur de photons : on l’appelle fonds diffus cosmologique et c’est en quelque sorte de la lumière fossile. C’est la première lumière émise, environ 380 000 ans après le Big-Bang, à une époque où l’Univers était plus petit, dense et chaud. C’est aussi la plus vieille image qu’on ait de l’Univers… Au-delà des photons que nous envoie le fonds diffus cosmologique, on a donc aucune information visuelle sur l’Univers.
le mur de Planck : c’est la limite au-delà de laquelle les sciences qui étudient l’Univers n’ont plus rien à dire. On le situe à 10-43 secondes après le début de l’expansion. Entre le temps 0 (début de l’expansion) et ce temps approximatif de 10-43 secondes, on a une période très brève pendant laquelle personne ne sait ce qu’il s’est passé : l’Ère de Planck.
« Quand on a un modèle, on sait dans quel cadre il s’applique. Mais dans ce cadre-là, on n’a pas de modèle qui fonctionne », résume l’Astrophysicien Johan Richard.
Pourquoi ? À ses débuts, l’Univers aurait donc été extrêmement dense : le modèle approprié semble conforme à celui de la relativité générale (celle d’Einstein)
Mais à ses débuts, l’Univers était aussi extrêmement petit : 10-33 centimètres, plus petit qu’une particule. Le modèle adapté serait alors plutôt la mécanique quantique.
Et une combinaison des deux ?
« La relativité générale et la mécanique quantique ne fonctionnent pas du tout ensemble. Il faudrait une autre physique, unifiée, et c’est ça que tout le monde cherche ! »
En attendant que la théorie des cordes, la théorie des univers parallèles ou la cosmologie branaire proposent (peut-être) une description satisfaisante de la naissance de l’Univers, cette inconnue ultime continuera de fasciner les poètes… et les autres !
D’après un article scientifique
Jacqueline
Rêve d’une première fois
Prisonnière de mes rêves, je songe à cet instant
Tes yeux posés sur moi débordant de tendresse,
Tu chercheras mes mains et tes doigts impatients
Effleurerons ma bouche d’une douce caresse.
Les larmes jailliront
Les mêmes émotions…
Et tu ne diras rien je serai devant toi,
Désarmée et vaincue, craintive, désemparée
A ne savoir que faire, timide, enfin je crois
Le cœur battant chamade rien qu’à te regarder.
Les larmes jailliront
Les mêmes émotions…
Et tu m’emporteras par tes baisers salés
Dans un monde inconnu ou seul l’amour existe
Planète où notre flamme pourra se réveiller
Envahissant la terre qui ne sera plus triste.
Les larmes jailliront
Les mêmes émotions…
Et quand n’y tenant plus nos corps se trouveront
Ne pouvant retenir le feu qui nous embrase
Quand je deviendrai tienne, les cieux déborderont
De bonheur, et de vie, et de joie, et d’extase.
Les larmes jailliront
Les mêmes émotions…
Jacqueline
Rêve d’une première fois
Prisonnière de mes rêves, je songe à cet instant
Tes yeux posés sur moi débordant de tendresse,
Tu chercheras mes mains et tes doigts impatients
Effleurerons ma bouche d’une douce caresse.
Les larmes jailliront
Les mêmes émotions…
Et tu ne diras rien je serai devant toi,
Désarmée et vaincue, craintive, désemparée
A ne savoir que faire, timide, enfin je crois
Le cœur battant chamade rien qu’à te regarder.
Les larmes jailliront
Les mêmes émotions…
Et tu m’emporteras par tes baisers salés
Dans un monde inconnu ou seul l’amour existe
Planète où notre flamme pourra se réveiller
Envahissant la terre qui ne sera plus triste.
Les larmes jailliront
Les mêmes émotions…
Et quand n’y tenant plus nos corps se trouveront
Ne pouvant retenir le feu qui nous embrase
Quand je deviendrai tienne, les cieux déborderont
De bonheur, et de vie, et de joie, et d’extase.
Les larmes jailliront
Les mêmes émotions…
Jacqueline
Adieu avant le premier bisou
Il fait jour, c’est l’heure.
Quelqu’un pousse mon fauteuil, direction le bloc
tu es en moi, je sens ton poids
mon ventre est tendu de toi
Nous avons connu la joie avec ton papa
tu nous as fait rire aux éclats
tu es le couronnement de notre amour.
Nous avons ce matin le souvenir de ta vie en moi
Le souvenir d’un bonheur passé qui à tout jamais restera gravé
Tu es là, et tu n’es déjà plus
Tu es là, et ne bouge plus
Tes petits pieds ont cessé de gigoter
Ta tête ne m’a plus bousculé
Tout s’est arrêté hier, je me suis inquiétée
Je t’ai senti comme un poids mort dans mes entrailles
Pourquoi a-t-il fallu que tu t’en ailles ?
Couchée sur la table, ma tête se déconnecte de mon corps
Inconsciente volontaire des gestes secs du chirurgien, du métal froid.
Papa est là
Nous sommes deux âmes en désarroi
Nous fusionnons par nos regards et nos mains pendant que ton corps est séparé du mien.
Nos deux cœurs sont arrachés lorsque le cordon est coupé.
Quelques minutes, tu es déposé sur mon sein
Nous te caressons, tu es chaud
Ta peau est lisse, tu es si beau
C’est un plus grand déchirement comme tu parais vivant.
Le silence entrecoupé des bips des machines
Ton silence nous assassine.
Je dois relâcher mon étreinte et te déposer dans les bras de papa,
délicatement comme pour ne pas te faire de mal.
Nous ne te verrons jamais dans cette chambre colorée, dans de jolis pyjamas bigarrés
sauf celui que papa est autorisé à t’enfiler,
Il y est écrit « Heureux comme au paradis »
Il l’a choisi ce matin.
Nous rentrerons à deux à la maison demain.
Marie-Christine
Fichtre pitre
Les grêlons dansent sur le balcon, je m’approche de la fenêtre. L’orage grondait déjà depuis un bon moment dans le lointain. Il est si puissant qu’il envoie des impulsions de lumière au-delà des hauts murs des granges alentours.
Je me dis que c’est un peu tôt dans l’année, mars sonne à peine. Maintenant une pluie lourde, bruyante tombe sur l’allée de pierres. L’orage semble s’appesantir sur lui-même, de plus en plus, dans un ultime grondement il perd enfin la bataille !
La pluie déverse encore son uniforme translucide sur la campagne immobile, je suis et reste perdue devant cette démonstration de force, cette pluie qui semble laver, purifier même les hautes cimes des arbres, et pourtant salie en même temps les routes et les ruisseaux d’une boue bien grasse. Il va falloir encore du temps pour retourner dans le jardin, pour que le soleil sèche enfin ce dédale de rigoles creusées par la pluie même. Le ciel s’éclaircit peu à peu, l’hiver s’offre au printemps par un indicible orage, tumultueuse saison qui commence. Un mince rayon de soleil semble traverser maintenant les nuages, et je me souviens…
« fichtre pitre, fichtre pitre »… elle prononçait « fichtre pitre » lentement, plusieurs fois d’un ton moqueur et chantant comme l’oiseau fier au faîte de son arbre, elle s’évertuait ainsi à exaspérer son entourage avec ce singulier et incompréhensible propos ! Mots désuets qui semblaient venir d’un autre temps : peut-être de souvenirs d’enfance, de rires inconscients de cour d’école.
Elle excellait dans l’art de l’épitaphe ! Elle se divertissait en passant parmi les tombes du cimetière, à donner à chacun sur un ton persifleur et à voix haute, un détail de la vie du trépassé qu’elle seule n’avait pas oublié ! Comme pour prendre une dernière revanche sur la vie et sur les autres, fière qu’elle était d’être encore vivante à son âge déjà bien avancé !
Elle traitait l’oncle Bernard, en passant devant sa tombe de « sauterelle idiote », sa cousine Alice de « pauvre bête de somme » et son autre cousine Jeanne de « vieille folle » ! Devant celle de son mari, elle ralentissait le pas et passait en silence, mais on pouvait voir sur son visage qu’elle n’en pensait pas moins…
« Fichtre pitre » prononçait-elle, chantait-elle…Souvent d’un ton ironique pour faire fuir les enquiquineurs : ceux qui ne chantent jamais, qui ne dansent jamais, qui ne rêvent jamais. « Fichtre pitre ».
Elle excellait également dans le fleurissement des tombes. Non pour honorer les morts, mais uniquement pour faire pâlir d’envie toutes ses congénères alentours.
Les dernières groupies du cimetière qui ne trouvaient le repos que dans la vénération de quelques tombes qu’elles fleurissaient chaque printemps, s’évertuant chaque jour à arroser ces fleurs posées sur de la rocaille de pacotille. Elle s’amusait à les voir grimacer dans leur coin de cimetière quand elle passait.
Madeleine se promenait ainsi parmi les tombes, si heureuse d’être là que personne n’osait la déranger. Malgré tout je courais après elle dans l’espoir qu’elle me raconte, qu’elle se raconte, j’aurais aimé l’écouter, l’écouter encore et encore…
Mais, dévalant la pente douce de l’allée centrale, elle passait d’un pas léger et rapide malgré son âge et répétait sans cesse en me regardant tendrement : « Fichtre pitre, fichre pitre ».
C’était son seul lien avec les autres et elle riait de son espièglerie.
Guylaine
Atelier lecture 12 novembre 2024
Thème : Les feuilles mortes
Atelier de lecture du 2 mars 2024
Oh, je voudrais tant que tu te souviennes
Des jours heureux où nous étions amis
En ce temps-là, la vie était plus belle
Et le soleil plus brûlant qu’aujourd’hui
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle
Tu vois, je n’ai pas oublié
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle
Les souvenirs et les regrets aussi
Et le vent du Nord les emporte
Dans la nuit froide de l’oubli
Tu vois, je n’ai pas oublié
La chanson que tu me chantais
C’est une chanson qui nous ressemble
Toi tu m’aimais, et je t’aimais
Nous vivions tous les deux ensemble
Toi qui m’aimais, moi qui t’aimais
Mais la vie sépare ceux qui s’aiment
Tout doucement, sans faire de bruit
Et la mer efface sur le sable
Les pas des amants désunis
Jacques Prévert (1900-1977)
En automne, les feuilles mortes vivent encore, regardez : elles virevoltent, dansent, jonglent ou sautent à la corde. Avides de lumière, elles sortent de leur cachette si un rayon de soleil les traverse. Vous pourrez alors voir leur vrai visage : clowns, ballerines, poètes, infantes, elfes insolents ou timides fées des bois… Affûtez vos yeux prenez patience sous la poussière du soleil chaque essence apparaîtra l’espace d’un clin d’œil le temps d’une page envolée. Place au ballet du petit peuple des forêts !
Petit peuple des forêts d’Inès de Chantérac et d’Éliane Jules aux éditions du Jasmin
Chanson d’automne
Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone.
Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure
Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.
Paul Verlaine (1844-1896) Poèmes saturniens
L’automne
L’aube est moins claire, l’air moins chaud, le ciel moins pur ;
Le soir brumeux ternit les astres de l’azur.
Les longs jours sont passés ; les mois charmants finissent,
Hélas ! voici déjà les arbres qui jaunissent !
Comme le temps s’en va d’un pas précipité !
Il semble que nos yeux, qu’éblouissait l’été,
Ont à peine eu le temps de voir les feuilles vertes.
Pour qui vit comme moi les fenêtres ouvertes,
L’automne est triste avec sa bise et son brouillard,
Et l’été qui s’enfuit, est un ami qui part.
Victor Hugo (1802-1885)
Les Feuilles mortes
Des jours et des jours, je cherche …
Je cherche la pensée, je cherche le mot,
Ma page est blanche, si pâle qu’on la dirait morte.
Trois mots posés dessus n’en fait pas une anecdote.
Elle rejoint les précédentes dans ma poubelle.
Toutes se froissent et s’entassent.
Elles ne font plus les fières, toutes contorsionnées,
et tassées dans cet espace circulaire.
Certaines essaient d’en ressortir en se dépliant avec grand peine,
Elles se sentent rejetées, inutiles.
Elles le sont. Je ne suis pas Verlaine.
J’en retire une, à moitié griffonnée. Ça y est, elle espère !
Elle s’étire, se refait une beauté,
se couche sur mon bureau avec la promesse de dévoiler ses mystères.
Dans un frémissement de papier je l’entends murmurer
« remplis-moi », « tâche-moi de ton encre »
Le stylo encore suspendu la torture.
Le stylo la caresse de ses mots, elle jubile et tous ses maux s’annihilent.
Trois mots tournent dans ma tête. « Il est libéré »
Je dois reprendre le fil
« Il est libéré »
Non ! Ce serait trop simple et trop rapide, il doit encore nous faire vibrer.
Cet homme vit de moments endiablés et d’émotions passionnées.
J’ai besoin d’entrer dans sa vie pour exister. Si exister est ressentir.
Mais trop ressentir n’est-ce pas mourir ?
De toute son histoire je suis façonnée.
Finalement cette feuille retourne dans la poubelle
déchiquetée, après avoir subi ma colère.
Toutes ces feuilles ne peuvent exister que si je le veux.
J’ai le pouvoir de vie ou de mort sur toutes ces pages.
Elles pensent m’angoisser en restant vierges, parce que mon stylo refuserait de s’y poser.
Mais si blanche il y a dans l’histoire ce serait plutôt ma vie,
Et si morte il y a aujourd’hui, ce serait mon inspiration.
Ce soir, pas de palpitations !
Il n’est pas fini que des feuilles se meurent dans ma corbeille funéraire.
Marie Christine Cloupeau
Atelier lecture 21 décembre 2024
Thème : Contes de Noël
Atelier de lecture du 2 mars 2024
Il faut dire qu’en ce temps-là, on construisait des moulins à eau pour moudre les épis d’or récoltés dans la plaine. De grosses meules réduisaient le grain précieux en poudre et la farine produite était ensuite stockée dans les greniers en attendant sa vente aux paysans de la région.
Le travail était pénible car il fallait transporter les sacs sur des charrettes le long d’un sentier bordant la rivière, et le vieux meunier était respecté par tous les villageois de la contrée. La famille était soudée et vivait au rythme des moissons.
Dès l’aube l’un s’affairait à vérifier les rouages et les mécanismes, un autre versait le grain et le meunier ajustait l’écartement de ses meules en fonction de la texture de farine qu’il désirait obtenir.
Tout le monde travaillait avec joie dans cette petite vallée et vivait en bonne intelligence avec les animaux, les plantes sauvages et les petits êtres des bois… je parle des elfes bien entendu…
D’ailleurs, une famille d’elfes vivait près d’un grand chêne tout près du moulin de la Ronce. Le chef du clan était une âme d’une centaine d’année (ce qui n’est pas si vieux pour une elfe !) Elle était reconnue pour sa grande sagesse, mais aussi pour son caractère bien trempé.
Tout ce petit monde se nourrissait de baies, de fruits sauvages et de champignons que la forêt leur fournissait en abondance. Quand ils n’étaient pas en cueillette, ils passaient leur temps à chanter, à danser et à prendre soin des animaux de la forêt lorsqu’ils étaient malades.
Cette année-là, les pluies d’automne s’étaient prolongées jusqu’au printemps, et s’éternisaient maintenant tout l’été… Le meunier regardait les eaux monter avec inquiétude et observait avec tristesse les arbres qui, déracinés le long des berges, s’effondraient petit à petit dans la rivière…
Un jour… il vit le grand chêne vaciller, et comme il était tout près du moulin, il décida de le couper avant qu’une catastrophe ne survienne. Le bois serait bien précieux cet hiver pour chauffer le logis.
Muni de sa hache et accompagné de ses fils, il finit par l’abattre et fit un tas de rondins vers la berge.
Les elfes, catastrophées par la disparition de leur vieil ami le chêne, avertirent immédiatement Ithil, le chef du clan, qui décida de réunir un conseil en urgence. Que faire contre ces hommes sots qui détruisent la forêt ? Chacun fût invité à réfléchir … fallait-il quitter la vallée ? fallait-il rester ? Certains parlaient de guerre, d’autres de vengeance… bref, vous l’avez compris, tous étaient dans une profonde colère….
Pendant ce temps, la pluie ne cessant pas…la rivière montait toujours ! Les eaux boueuses envahissaient les champs, coupait les chemins, les flots se transformaient parfois en torrents impétueux, emportant tout sur leur passage.
Le meunier montait sa farine toujours plus haut dans les greniers, se demandant s’il ne faudrait pas bientôt trouver refuge dans le village voisin. On lui racontait qu’à Semur, les inondations avaient fait déjà bien des dégâts et beaucoup de personnes n’avaient plus de logis.
De son côté, Ithil, la vieille elfe toujours en colère, prit ce matin-là, la décision de s’éloigner pour pouvoir réfléchir comment donner suite à l’abattage du grand chêne…
Elle s’engagea en bougonnant dans le sentier qui longeait la rivière, se dirigeant petit à petit près du moulin, là où le vieux chêne avait été terrassé. Les yeux embués de larmes, elle vît de loin le tas de rondins entassés. Elle s’avança sur un monticule de terre pour observer le désastre.
Perdue dans ses pensées, elle ne se rendait pas compte que l’eau l’avait encerclé sur son promontoire et elle se retrouva brusquement sur une île qui menaçait d’être bientôt submergée.
Peut-être ne le saviez-vous pas, mais les elfes des bois ne savent pas nager…. Et notre amie fût bientôt en grand danger de se noyer.
Un chevreuil qui passait par là vit la scène dramatique qui se jouait devant lui. Tournant son regard tout autour de lui en cherchant un moyen de sauver l’elfe, il comprit vite que les rondins pouvaient s’avérer utile. D’un coup de tête il poussa le tas qui roula dans l’eau.
Le bois se mis à flotter jusqu’à la petite île où l’elfe se trouvait.
De toute ses forces, cette dernière récupéra tous les rondins qu’il lui fût possible d’attraper et, se servant de lierre pour les attacher, réussit à se fabriquer un radeau de fortune.
Emportée par le courant, elle dériva lentement et dû son salut à un saule qui se penchait de toutes ses forces au-dessus des flots tumultueux… L’elfe s’accrocha à ses branchages chevelus pour s’échapper du radeau.
Une vieille branche fourchue en guise de perche, elle réussit avec peine à enfin regagner la terre ferme, épuisée mais vivante…
Elle remercia le chevreuil qui lui proposa immédiatement de la reconduire jusqu’à sa demeure à califourchon sur son dos.
L’équipage arriva à destination, trempé par la pluie qui tombait de plus en plus fort. Le clan, très inquiet de la disparition de son chef, les accueillit avec toute la joie que vous pouvez deviner. On installa la rescapée près de la cheminée où elle raconta son aventure…
Elle se tût enfin, soupira longuement, et regardant sa famille, reprit d’une voie grave : « les arbres m’ont sauvé, le vieux chêne coupé en rondins et le saule courbé sur la rivière, je leur dois la vie, mais je dois aussi la vie au meunier qui a coupé le chêne… son moulin est en grand danger, nous devons faire quelque chose ! » Tout le monde se regardait… ne sachant plus quoi dire….
« Il reste du bois le long de la rivière… suivez-moi tous ! »
Ils prirent des lanternes car il faisait nuit, des charrettes, se vêtirent de longs manteaux pour affronter la pluie et suivirent Ithil d’un bon pas.
En amont du moulin, pas très loin du tas de bois coupé, la rivière se sépare en deux bras : l’un part plus loin dans la forêt et l’autre se dirige naturellement vers le moulin. A cet endroit précis, ils commencèrent à transporter les rondins de chêne.
Les animaux des bois, alertés par toute cette agitation, s’approchèrent et comprirent aussitôt que les elfes avaient besoin de leur aide.
Un sanglier solitaire aida à pousser le bois dans le sentier, un ours brun chargea le bois dans les charrettes et une meute de loups se proposa de tirer l’attelage jusqu’à l’endroit où la rivière se sépare.
A l’aube enfin, tout le chêne coupé avait fini par obstruer le bras d’eau conduisant au moulin, tel un barrage, de sorte que le niveau baissa doucement… évitant de justesse l’inondation fatale.
Le meunier qui avait quitté les lieux, fût bien étonné lorsqu’il revînt pour constater les dégâts. Mais en voyant le barrage, il comprit vite à qui il devait ce miracle et cria sa gratitude au peuple de la forêt qu’il ne voyait pas mais dont il devinait la présence…
Tous repartirent, fiers de leur ouvrage….
Non loin de là…. A l’endroit où se trouvait le tas de bois, un tout petit gland se fendit…. Laissant entrevoir un tout petit germe… puis des radicelles se fixèrent doucement dans la terre détrempée….
Alors… tout au fond de la forêt…. L’âme du chêne s’envola en souriant….
Jacqueline
Les chaussures d’Arsène
Pour une fois… cette histoire est bien récente car elle a commencé il y a quelques mois…
Nous habitons dans un petit pavillon à Semur en Auxois, à mi-chemin entre le centre hospitalier et le lieu-dit du Rocher du Charrat. Le quartier est calme, on y voit même quelquefois passer des chevreuils !
D’ailleurs lorsque notre maison fut construite en 1984, il n’y avait que des champs à cet endroit et on voyait régulièrement des lapins qui courraient sur le chemin. Nous avons eu un lièvre au fond du jardin pendant quelques temps, il était drôle car il s’aplatissait dans l’herbe dès qu’il nous voyait.
Une tortue vînt également y trouver refuge à la grande joie de nos enfants.
Depuis, quelques maisons ont été bâties, mais nous sommes toujours entourés de nature.
Voilà pour vous situer le décor…
Cela a commencé cet été … Un jour de grand ménage (oui, ça me prend de temps en temps…) j’avais laissé un tapis dehors, juste devant la fenêtre balcon.
Le lendemain matin, en ouvrant les volets, j’aperçois le tapis à quelques mètres de là, en vrac, tout retourné comme si quelqu’un l’avait traîné… ce quelqu’un…suivez mon regard…ne pouvait être que mon chien, encore joueuse malgré son âge et prompte à faire quelques petites bêtises à l’occasion… et comme elle sort souvent le soir, mes soupçons se transformèrent rapidement en certitude.
Je remets donc le fameux tapis à sa place et j’oublie vite cette petite incartade.
Deux ou trois jours plus tard… toujours en ouvrant les volets le matin…ah oui, je ne vous ai pas dit : mon époux ferme les volets le soir et moi…j’ouvre le matin ! chacun son truc !
Donc, en ouvrant les volets ce matin-là, je découvre avec étonnement mes bottes de jardin en ordre dispersé au milieu du champs ! Je tourne mon regard vers le chien facétieux en le morigénant vertement : là tu exagères, tu ne vas tout de même pas retomber en enfance ma belle ! En peu vexée, toutou s’éloigne en boudant…
Je raconte tout cela à mon mari qui prend la défense du chien :
– non, non Lokaï n’est pas sortie hier soir et tes bottes étaient bien rangées contre le mur.
– Ah ? mais alors quelqu’un vient nous faire des farces alors ?
On décide d’en rire et en même temps de fermer le petit portillon du jardin à clé.
Quelques jours plus tard…bon ok, vous allez dire que je suis bordélique… je laisse mes sandales jaunes contre le mur et le matin… Devinez quoi ?
Non non, là, cette fois une chaussure manque à l’appel ! Disparue ! je trace de long en large le champ à la recherche de la croc jaune …rien…nada…. Et le chien a encore un alibi en béton puisqu’il a passé la soirée avec moi…
Nous décidons d’en avoir le cœur net et installons un soir une caméra de chasseur fixée au tronc d’un arbre tout proche, (vous savez, les caméras qui se déclenchent au moindre mouvement…) bien dirigée vers la maison. Oui, je sais, ça s’appelle de l’espionnage, mais bon… là il y eu vol tout de même !
L’appareil fonctionne quelques jours sans résultats et un matin, nous découvrons avec stupeur qu’un magnifique renard est venu nous rendre visite !
Mince alors ! nous savions la malice des pies qui volent sans vergogne n’importe quoi, mais un renard ?
Bien sûr, vous me connaissez, j’ai voulu savoir ce que devenaient ces chaussures volées !
Je pris donc l’habitude de guetter les randonnées nocturnes du goupil avec la ferme intention de le pister et de découvrir la caverne du voleur où devait se cacher le butin.
Je dû attendre très longtemps car les larcins se firent plus rares (forcément, je n’allais tout de même pas lui laisser voler TOUTES mes chaussures !)
Mais il y a de cela une ou deux semaines, une nouvelle chaussure disparut. Ce fût donc l’occasion de reprendre l’enquête.
Profitant d’une nuit de pleine lune, cachée dans la cabane de jardin, j’entendis un bruissement et je vois se dessiner la silhouette d’Arsène (oui, je lui ai donné un nom en hommage au célèbre voleur) furetant en catimini à la recherche d’une godasse égarée.
Evidemment le piège était en place, j’avais laissé la chose bien rangée contre le mur, comme d’habitude.
L’animal se saisit de ma chaussure, regarde autour de lui et se sauve brusquement tout fier de sa proie.
J’attends quelques instants et je lui emboîte le pas. Il trottine en toute impunité dans le chemin qui borde le quartier et s’engage dans le petit sentier qui remonte vers le terrain des croqueurs de pomme. Je le vois se faufiler parmi les pommiers dont les feuilles jonchent le sol gelé et d’un seul coup…plus rien… le voleur a disparu !
Tout à mon enquête, j’en avais oublié la proximité du cimetière et je me sentis soudainement envahie par la peur et accessoirement par le froid. Allez ! Ressaisi toi Sherlock, tu as un mystère à élucider !
Une légère brume vaporeuse commença à se former autour de moi tandis que je continuais à chercher le voleur….
Le brouillard se fît plus dense quand tout à coup je vis une petite lueur se dessiner à une centaine de mètres. J’avançai bien prudemment et sans bruit.
Une cabane en bois dont j’ignorais l’existence se dressait devant moi. Je m’approchais doucement…
A travers une fenêtre je distingue un vieux monsieur qui s’affairait dans son atelier en sifflotant. Il avait une grande barbe blanche et portait de petites lunettes rondes.
Ouh là là…beaucoup de bazar dans cette grande pièce : une montagne de jouets en bois empilés les uns sur les autres…des petits trains, des camions de pompier, des cubes, des carioles et que sais-je encore…
Adossé contre un mur, un immense traîneau semblait attendre son heure et une tenue rouge et blanche pendait négligemment sur un cintre accrochée à la poignée d’une fenêtre.
Tout au fond de la pièce une grande cheminée ouverte avec une grosse marmite d’où s’échappe un fumet délicieux et… je vis mon coquin d’Arsène déposer ma chaussure sous un joli sapin décoré.
Et il y en avait d’autres figurez-vous ! une dizaine au moins ! Le renard s’allongea alors au pied de l’âtre et s’endormit assez vite.
Attendez mes amis…. Vous rendez-vous compte ???? J’avais découvert la maison du père Noël !!!!
Les yeux écarquillés je regardais la scène me pinçant pour vérifier que je ne rêvais pas.
Cependant quelque chose me chiffonnait… le vieux monsieur fabriquait des jouets certes… mais les chaussures sous le sapin ??? elles étaient tristement vides…
Comme en réponse à ma pensée j’entendis le vieux monsieur gronder gentiment le renard… « Que m’as-tu encore rapporté là mon ami ? tu sais bien que je n’ai pas besoin de cadeaux puisque c’est moi qui les fabrique !!! » .
Désintéressé, Arsène se roula en boule, indifférent à ces paroles…
Je ne sais ce qui m’a pris… J’avais repéré une petite porte vers la cheminée et le sapin. J’ai contourné la maison, j’ai vidé mon sac à dos de toutes sortes de petits objets, j’ai ouvert la porte avec précaution et…dans les chaussures vides… j’ai glissé : un couteau suisse, un joli porte clé, une petite gourde filtrante, une lampe frontale, quelques barres de céréales, une tablette de chocolat et un sac de friandises que je garde pour le chien… et je me promis de revenir le lendemain pour compléter mes petits cadeaux…
Puis je pris le chemin du retour, tout heureuse d’avoir entrevu le Père Noël, mais un peu déçue de n’avoir pas osé lui parler… Demain….
Le lendemain, j’attendis la fin de la journée avec impatience, me gardant bien de raconter mon aventure à qui que ce soit, parce qu’évidemment personne ne m’aurait crue….
Je repartis donc en pleine nuit, chargée de petits présents. Je refis le chemin pris la veille, comptant mes pas, tournant à droite, à gauche… Rien… pas de brume, pas de cabane, pas de renard …même pas de trace des petits cadeaux laissés hier…
Je rentrai donc à la maison, penaude, désolée, triste… Mais bien sûr… tous les adultes savent que le Père Noël n’existe pas !!!
Enfin… C’est ce qui se dit….
Parce que moi, ce matin, avant de venir vous raconter mes histoires, je suis montée dans ma voiture pour aller jouer au loto.
A un passage piéton, j’ai laissé un vieux monsieur traverser la rue…. Il avait une grande barbe blanche et portait des lunettes, un chien roux l’accompagnait ….
En traversant, il s’est tourné vers moi, m’a fait un petit signe de la main et un gros clin d’œil… Alors…. ?
Jacqueline
Le cerf du bois de la Feuillouse
Ce soir-là de mi-décembre, nous sortions d’une réunion pour nous rendre à une petite soirée au restaurant du Lac de Pont.
Il était presque 20 h, la nuit avait étendu son grand rideau sombre sur la campagne et la brume commençait à flouter le paysage…
Nous faisions voiture commune Marie-Christine et moi et nous étions en début de cortège. La réunion avait été fort animée et nous en discutions encore.
Brusquement, dans le virage, juste à l’entrée du bois de la Feuillouse, nos yeux ébahis virent un cerf magnifique couper notre route. Il s’élança dans la direction du cimetière, élégant et majestueux.
Marie-Christine freina de toutes ses forces, mais… contre toute attente, le véhicule s’illumina de mille paillettes étoilées, s’engagea sur le chemin, incontrôlable et comme soumis à un ordre impérieux échappant à notre volonté !
Plus qu’effrayées, nous suivions à présent l’animal, longeant les champs labourés, nos tentatives de reprise de contrôle n’aboutissant à rien…
Après 500 mètres d’une course effrénée, la voiture s’arrêta et nous nous retrouvâmes près d’une petite maisonnette à l’entrée du village. Nous n’osions parler tellement la situation nous semblait incongrue.
Devant nous, paissaient tranquillement une dizaine de cerfs de belle taille… pourtant lorsque nous étions arrivées quelques heures plus tôt, nous n’avions rien vu de tout cela…
Contentes de quitter ce véhicule devenu fou, nous nous dirigeâmes vers la maisonnette éclairée, prêtes à demander de l’aide à ses propriétaires.
La porte s’ouvrit avant même que nous n’ayons eu le loisir de frapper et nous vîmes se dresser devant nous la silhouette de Jean-Marie, un habitant de Flée et membre de notre association. Ouf ! sauvées !
Il nous fit entrer dans sa demeure, nous saluant à peine et visiblement très préoccupé.
La maison semblait très petite de l’extérieur, mais une fois dedans, nous constatâmes avec stupeur qu’elle était immense…. Une grande cheminée trônait au centre de la pièce peinant à réchauffer ce grand espace.
Il nous invita prestement à le suivre et nous découvrîmes bientôt un grand cerf allongé sur le sol, blessé à une de ses pattes, haletant, les yeux fermés, visiblement en proie à une grande souffrance.
Nous échangeâmes un regard consterné, ne sachant que faire devant tant de détresse.
« As-tu appelé un vétérinaire ? » demandais-je alors à notre ami. « ah… Ici ? Ce n’est pas possible » répondit-il sur un ton étrange.
Oui… étrange tout cela… je vois bien dans vos yeux que vous avez du mal à me croire… et pourtant….
« Que pouvons-nous faire Jean-Marie ? » questionna Marie-Christine. « J’attends quelqu’un, mais j’ai besoin de vous également. Toi, dit-il en regardant mon amie, tu vas t’asseoir là et toucher sa tête.
« Mais… mais… pourquoi faire ? »
« Demande ce qui se passe, la blessure à la patte ne justifie pas tant de souffrance ! »
« Mais… Jean-Marie, je ne sais pas parler aux animaux ! »
« Tu plaisantes ! Comment expliques-tu le don de ta fille alors ??? »
« je sais pas…je sais pas, balbutia Marie-Christine… »
« Fais-moi confiance, tu n’as qu’à essayer ! »
Je me tenais un peu à distance, observant leur échange et me demandant bien ce que je faisais dans cette galère. Je voyais le cerf souffrir et j’étais pétrifiée.
Tourant mon regard dans la pièce, j’aperçus alors un immense traîneau accroché à un mur. On aurait dit qu’il attendait son heure, paré de rubans et de pommes de pin. Mais on est où là ?….
Comme s’il avait suivi ma pensée, notre ami se tourna vivement vers moi et m’intima de m’asseoir également auprès du cerf. Il me demanda de poser mes mains sur l’animal… où bon me semblait.
Je le regardai alors en souriant : « Tu sais, je ne suis pas une faiseuse de miracles ! C’est vrai que j’ai posé mes mains sur beaucoup de gens souffrant mais je n’en ai pas guéri un seul ! Je n’ai fait que les accompagner, les détendre pour leur permettre de se remettre au mieux ! »
« On ne te demande rien de plus ! » me répondit-il, presque agacé.
« D’accord, d’accord… ». Je posai alors mes mains sur le ventre chaud de la bête impressionnante, retenant mon souffle pour ne pas l’effrayer. Je sentis l’onde bienfaisante se déverser sur moi, traversant mon corps et passer dans mes mains. Il se détendit tout doucement.
Marie-Christine interrogea l’animal à voix basse « Que se passe-t-il, pourquoi souffres-tu autant ? »
Je la vis bientôt nous regarder, étonnée, et nous dire : « Son petit est resté dans la forêt ! Un loup rôde dans les parages, elle l’a attiré pour sauver son enfant, mais elle s’est blessée et n’a pas pu le retrouver ! »
Jean-Marie, en nous lançant un regard appuyé, prit son manteau et son bâton, se dirigea vers la porte et nous comprîmes immédiatement qu’il partait à la recherche du petit en nous confiant sa maman.
Au bout d’une bonne heure, nous entendîmes des pas s’approcher de la maison. Surprises, nous vîmes Pierre entrer sans frapper, s’étonnant à son tour de nous trouver en ce lieu…
Il tenait dans sa main un gros pot d’onguent. Sans un mot, il approcha du cerf et lui massa doucement la patte blessée, puis il sortit de sa poche quelques feuilles de choux pour l’immobiliser. Nous le regardions faire, échangeant des regards teintés d’incompréhension. Je sentais les effluves d’huiles essentielles de cyste, d’Hélichryse et de menthe poivrée chatouiller mes narines, mais il y avait d’autres ingrédients que je ne connaissais pas…
Jean-Marie arriva à son tour, les bras chargés d’un tendre fardeau. Il avait récupéré le faon ! Il le déposa tout contre la biche, et nous vîmes le petit être fragile se blottir tout contre son ventre et se mettre à téter goulument.
Nous les regardions, tous les quatre, souriant béatement devant ce spectacle attendrissant.
Pendant ce temps… au restaurant… nos doubles respectifs se levèrent de table… Celui de Pierre raconta une dernière anecdote en enfilant son blouson. Celui de Marie-Christine se leva, regarda mon propre double en souriant « il est 23 h 30, c’est l’heure, je crois ».
Marc s’adressa à mon double en lui demandant pourquoi nous partions si vite et mon double lui répondit « A minuit … sinon, notre voiture va se transformer en citrouille !!! ».
Alors…. Tout le monde éclata de rire ….
Jacqueline